Kingston

Après la mégalopole éclectique de Toronto, nous avons continué notre chemin au bord du lac Ontario en direction d’une ville plus petite: Kingston. Probablement une des villes les moins denses qu’on ait visité pendant ce voyage. Avec seulement 120 000 habitants, Kingston a pourtant été la capitale du Canada. Aujourd’hui la ville est connue pour son université mais également pour ses prisons.

Une ville fantôme?

Nous n’avons fait qu’un bref arrêt à Kingston, nous laissant le temps d’étudier son agriculture urbaine pendant deux jours. La première de ces journées a été une déception sans nom. Après avoir réalisé que nous avions planifié des rendez-vous avec des personnes de Kingston, NY (Donc dans l’état de New-York. Donc aux États-Unis. Donc pas au Canada. Donc pas du tout le bon Kingston.), nous avons décidé de faire ce que nous savons faire de mieux: débarquer à l’improviste dans des fermes ou des jardins, histoire de dialoguer avec les gens qui y travaillent. Quel ne fut pas notre désarroi quand nous comprîmes (Pfiou.) qu’il n’y avait presque rien en termes d’agriculture urbaine à Kingston. Si on rajoute à cela le fait que la population de la ville chute infernalement pendant l’été parce que les étudiants ne sont plus là, ça nous donne une ville pas vraiment passionnante.

IMG_9322A peine un petit jardin communautaire pas folichon à se mettre sous la dent.

On était sur le point de laisser tomber et de passer notre chemin, mais les mails envoyés quelques jours avant ont finalement porté leurs fruits dans la soirée. En quelques appels nous réussissons à remplir notre journée du lendemain et à transformer cette absence d’agriculture urbaine en quelque chose d’intéressant!

Une mairie dans les choux

Au cours de notre deuxième jour à Kingston, nous avons donc eu la chance de rencontrer deux acteurs de l’agriculture urbaine de la ville. Nous les avions contactés parce qu’ils étaient tous deux membres de Urban Agriculture Kingston, une organisation qui milite pour l’agriculture urbaine. Mais si l’on n’a rien pu trouver par nous-même, que font donc ces gens? La réponse est simple : l’organisation est inactive depuis maintenant 6 ou 7 ans. Ah bon, mais pourquoi ? « Nous avons milité pour un certain nombre de choses : installer des jardins, l’autorisation de détenir des poules en ville… Mais la mairie nous mettait beaucoup trop de bâtons dans la rue et on a fini par abandonner. Les conseillers municipaux ne sont pas très sensibles à l’agriculture urbaine et sont extrêmement craintifs. » La raison principale étant probablement l’hygiène.

En conséquence, à chaque fois que des gens ou des organisations ont essayé de faire avancer l’agriculture urbaine dans la ville, le conseil municipal a établi de nouvelles lois que les fermiers urbains considèrent aujourd’hui comme « absurdes et inutiles ». Ainsi les poules doivent être gardées à des distances des bâtiments si grande qu’il est rare de réellement pouvoir se le permettre et la culture en sol est très difficile : l’importation de sol extérieur et la séparation avec le vrai sol par une membrane est obligatoire sans même que les sols soient testés…

IMG_9348Une des rares fermes (peut-être la seule) qui a pu se développer à Kingston sur un terrain public.

En 2015, une mairie qui ne supporte pas l’agriculture urbaine en Amérique du Nord est quelque chose de rare, ou que nous n’avons en tout cas pas eu l’occasion de voir pour l’instant, et cela explique très certainement que nous n’ayons rien trouvé par nous-même la veille. De manière générale, la plupart des gens que nous avons rencontré étaient plutôt hostile face à leur gouvernement local.

Le scandale de la ferme des prisonniers

Pour autant, si l’on ne trouve aujourd’hui plus vraiment de fermes en fonctionnement dans l’enceinte de Kingston, cela n’a pas toujours été le cas. Avant 2009, l’ancienne capitale possédait même la plus grande ferme urbaine du Canada, avec un peu plus de 400 ha (1ha=1 terrain de foot, en gros). Donc oui c’est gigantesque, et d’ailleurs quand on regarde une carte de Kingston, on le voit tout de suite :

ferme

On vous le disait en intro,  Kingston est aujourd’hui parfois surnommée « la capitale des prisons » avec ses 6 prisons en activité. L’une d’elle, comme d’autres prisons dans le pays, possédait une ferme dans laquelle les prisonniers travaillaient. Un parfait programme mêlant réinsertion sociale des détenus et production de nourriture locale. La ferme cultivait fruits et légumes, mais aussi céréales, viande et produits laitiers, approvisionnant donc abondamment la ville. Il y a de ça 7 ans, le gouvernement fédéral a cependant décidé de fermer toutes les fermes possédées par des prisons pour des raisons que personne n’a su nous expliquer. « Le gouvernement est resté très flou. Aucun communication n’a été faite et aucune justification n’a été donnée. C’est d’autant plus étrange que ces fermes étaient tout à fait auto-suffisante, voire rentable, et que l’argument financier ne tient donc pas. » nous explique-t-on à Urban Agriculture Kingston.

L’opinion publique a pourtant tenté de s’emparer de l’affaire et de nombreuses manifestations ont été organisées, en vain. La mobilisation a été telle, qu’un film a été réalisé à ce sujet. Sorti en 2015, on ne sait pas encore trop s’il nous sera facile de nous le procurer, mais voici la bande-annonce :

Agriculture urbaine et religion

Titre alléchant, n’est-ce pas ? Mais on exagère un peu quand même.

Nous avons eu l’occasion de rencontrer les sœurs de la Providence St-Vincent de Kingston, qui sont très actives sur un certain nombre de terrains sociaux, dont l’agriculture urbaine, qui représente à leurs yeux un enjeu capital. Que ce soit en termes de réinsertion sociale ou de réduction de l’insécurité alimentaire, les sœurs sont très attachées au développement de l’agriculture urbaine et elles sont en fait à l’origine des seuls jardins que nous avions vus à Kingston. Soutenus essentiellement par les donations des croyants, ces jardins servent à alimenter un marché fermier assez particulier dans le quartier le plus pauvre de Kingston.

Pourquoi ce marché est-il si particulier ? Par son système d’achat. Les produits y sont à moitié donnés, mais pas tout à fait. Ils sont en fait échangés contre des bons d’achats que les gens peuvent obtenir en remplissant des questionnaires sur leur alimentation. Ceci permettant à la paroisse de mieux cibler ses actions. D’autres fermiers sont également présents sur le marché et vendent leurs produits de manière conventionnelle et un accord est toujours trouvé avec les sœurs pour éviter la concurrence déloyale (s’arranger pour proposer des produits différents, notamment).

Les sœurs possèdent également sur leur terrain un conservatoire de graines qui contient notamment des graines datant du 18ème siècle. Le jardin adjacent a pour seul et unique but d’approvisionner ce conservatoire qui a un but pédagogique et historique mais qui fournit également les jardins des sœurs.

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IMG_9358Le conservatoire de semences de la paroisse

IMG_9363 Une laitue en fleurs dont les semences sont prêtes à être récoltées.

Comme quoi, même si l’agriculture urbaine se retrouve parfois avec plein de bâtons dans les roues, il semblerait que ce n’est pas quelque chose que l’on abandonne facilement. Et finalement, c’est peut être parce que faire revenir du vert sur le gris du béton est quelque chose qui nous tient à cœur. Alors, vous plantez quand?

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