2 août 2020

Montpellier

Après 3 jours de vélo riches en émotion, nous arrivons à Montpellier ! Que retenir de ce premier trajet ? Une belle rencontre faite en chemin, Yassine, qui a fait la route jusqu’à Carcassonne avec nous.

L’équipe et sa nouvelle recrue 

 

Une flore évoluant graduellement vers des notes méditerranéennes le long du Canal du Midi, puis une côte peu préservée (un doux euphémisme) de Béziers à Montpellier. Une nuit de camping sous un orage assommant débouchant sur une inondation partielle d’une tente dont l’étanchéité laisse à désirer. Un local à vélos somme toute optimisé nous attend, une idylle pour nos montures après les durs efforts de ces 3 derniers jours.

L’équipe et son local à vélos

 

-Que retenir de l’agriculture urbaine à Montpellier ?

Depuis quelques années la Mairie de Montpellier a mis en place des Agriparcs pour protéger des terres agricoles. Aujourd’hui, ils ont pour vocation d’allier un volet production, avec une mise en scène de l’agriculture locale et une visée éducative et récréative pour les habitants. La récente politique agricole et alimentaire de la ville veut maintenant y promouvoir des petites fermes nourricières. Des appels à porteur de projets sont en cours pour installer des agriculteurs sur des terres publiques. C’est grâce à un de ces appels à projet que s’est mise en place La Ferme de La Condamine.

-La Ferme Urbaine de la Condamine : une des principales fermes urbaines maraîchères de production de la ville

La Condamine, c’est un projet semblable à du maraîchage rural mais en ville. Sur un terrain abandonné, lieu d’une ancienne décharge, 3 agriculteurs ont lancé ce projet en 2017. Edouard, horticulteur de formation, nous a fait une visite de l’exploitation.

Les parcelles sont cultivées sur 4,8 ha en agriculture biologique, avec un objectif affiché de productivité. Malgré le jeune âge de la ferme, les résultats sont probants. La Mairie, propriétaire du terrain a fait construire une serre importante qui permettra encore d’augmenter la production de la ferme. La production est majoritairement vendue à des magasins Bio de Montpellier. Il existe également un point de vente direct à la ferme, avec aussi des produits transformés, comme de la confiture.

Cette ferme maraîchère ne s’est pas faite entourée par la ville. Il s’agit bien d’une adaptation à l’urbanisation. Même s’il n’est pas envisageable que les villes soient autosuffisantes, même en légumes, ce projet nous montre qu’il est possible d’augmenter un maximum leur résilience alimentaire, en exploitant chaque parcelle cultivable, en choisissant de planter plutôt que construire, et ici en réhabilitant des terrains à priori impropres à l’agriculture en terres cultivables. Un autre élément notable de ce projet est la très importante charge de travail. Edouard se décrivait comme surchargé, et ne trouvant souvent pas le temps de faire un certain nombre de tâches. Avoir une consommation locale et respectueuse de notre environnement impliquera nécessairement une augmentation de notre capital humain agricole, s’accompagnant d’une meilleure considération financière.

Planches de culture à la ferme de la Condamine

 

-L’Oasis Citadine : la Pédagogie comme fil conducteur

 

Entrée de l’Oasis Citadine

 

L’Oasis Citadine est un des projets les plus aboutis que nous ayons vu depuis le début de notre voyage. Sur 8000 m² prêtés par le Château de Flaugergues, dont la moitié composée de vignes, l’autre moitié (4000 m2) a été convertie en une zone maraîchère et lieu de diverses activités. Sur cette partie, les vignes ont été enlevées il y a deux ans et demi. Le travail réalisé est impressionnant : là où de profondes vignes recouvraient chaque parcelle de terrain se trouve aujourd’hui un jardin luxuriant, véritable havre de paix au milieu de la ville. Les adhérents de l’association payent un abonnement afin d’avoir accès à l’ensembles des activités. L’idée est d’apprendre la permaculture de façon pratique. Grâce à un planning mis à jour chaque semaine par l’ensemble des adhérents, ces derniers peuvent tous s’occuper du jardin. Une bonne partie des récoltes est destinée à de grands repas partagés, et pour le reste, les membres sont libres de se servir partout dans le jardin. Il s’agit d’un espace de partage et d’entraide centré autour de la permaculture et l’agroécologie. Pour ces citadins, au-delà de retrouver un contact avec la nature, c’est aussi le pouvoir d’agir qu’ils viennent chercher à l’Oasis.

Chacun apporte ses savoirs, et au-delà de l’apprentissage de la permaculture, une sensibilisation à l’écologie est opérée à tous les niveaux. Un exemple nous ayant été donné est celui d’un membre sachant fabriquer ses propres savons, qui a alors organisé un cours pour le faire partager à la communauté. Ainsi, la multitude d’activités opérées sur la ferme et donc enseignées est impressionnante (pratique de la permaculture, présence d’un jardin-forêt, de ruches, d’un poulailler, d’une micro brasserie, de vignes, d’un four solaire, organisation de cours de cuisine, cours de taïchi, etc.). On retrouve même une initiation à l’aquaponie sous une micro serre.

 Le poulailler de l’Oasis

Cultures sous serre en aquaponie
Tableau pédagogique du jardin-forêt

 

Une autonomie alimentaire n’est bien évidemment pas visée mais ce qui ressort de ce projet est que cette multitude de savoirs partagés rend cette communauté plus résiliente : elle sait utiliser la nature en la respectant, et pourrait presque sembler capable de devenir autosuffisante.

A la sortie du confinement, l’Oasis a vu l’adhésion d’un nombre significatif de nouveaux membres, signe probable d’un éveil écologique collectif. Combien de temps vont-ils le rester ? Difficile à dire, mais de nombreux membres, après avoir constitué leur capital de connaissances agroécologiques à l’Oasis ont la volonté de lancer leur propre initiative. Ainsi, l’association a récemment développé une nouvelle compétence : l’essaimage de projets, c’est-à-dire un accompagnement des projets de permaculture en train de se lancer. Voir de plus en plus d’Oasis fleurir sur le territoire français est plus que souhaitable, et L’Oasis Citadine montpelliéraine aurait alors accompli sa mission.

David Vialla, un des fondateurs de l’Oasis nous a fait une merveilleuse visite de l’exploitation et inviter à déjeuner à un repas partagé. Il connaissait bien Alain Del Vecchio, coprésident des Semeurs de Jardin, autre acteur majeur de l’agriculture urbaine montpelliéraine.

-Les Semeurs de Jardins : enseigner la permaculture et faire du lien entre les différents projets d’agriculture urbaine de la région

Les Semeurs de Jardins est une association d’accompagnement de jardins partagés du Languedoc-Roussillon. Les jardins adhérents reçoivent des formations en permaculture et en agroécologie, sont suivis dans leur évolution. Ainsi, des experts, missionnés par l’association, interviennent régulièrement, via des formations. Nous avons été accueillis sur un des jardins adhérents, VerPoPa, dans le quartier Malbosc. Sur 2300 m2, sont cultivés tous types de légumes en permaculture. Ponctués d’arbres, notamment fruitiers, il s’agit d’un système en agroforesterie. Les principes de l’agroécologie y sont appliqués : amendements verts, associations de plantes, renforcement de la biodiversité. Les habitants du quartier, adhérents au jardin, le cultivent aussi. Ils bénéficient des récoltes, le plus souvent lors de repas partagés. De nombreux jardins à l’image de celui-ci font partie du réseau des Semeurs de Jardin à Montpellier et dans la région, dont une cinquantaine sont recensés à Montpellier sur leur site. Ils peuvent ainsi partager leurs savoirs et expériences entre eux.

Mare artificielle favorisant la biodiversité

 

En effet, l’association tente de tisser un maximum de liens entre les différents projets d’agriculture urbaine et plus généralement écologiques et solidaires à Montpellier. Parmi eux, on peut citer La Graine, une initiative citoyenne visant à revaloriser l’économie locale via une monnaie utilisable uniquement dans des produits locaux et écoresponsables, ou encore Compostons, une association compostant des déchets organiques à Montpellier. Les Semeurs de Jardin font la promotion de ces différents acteurs auprès des jardins et autres projets écoresponsables, afin qu’ils utilisent la monnaie La Graine, ou recyclent leurs déchets organiques avec Compostons. Ce type de réseau, de par la diversité des acteurs impliqués, permet de mettre en commun des compétences et de constituer une force collective.

L’Oasis Citadine elle-même a des projets communs avec Les Semeurs de Jardin et les jardins partagés travaillent eux-aussi dans le cadre de ce réseau. C’est ainsi ce qui ressort le plus des projets observés à Montpellier : développer un réseau et une volonté de travailler ensemble. La Mairie alloue un certain nombre de terrains destinés à des espaces verts et de l’agriculture urbaine. Mais ces réseaux vont au-delà des critères écologiques municipaux et cherchent à avoir une démarche environnementale aboutie

Vue sur le Jardin VerPoPa

 

-La Forêt lattoise : un projet innovant s’inscrivant nécessairement sur du long terme

La Forêt Lattoise, en bordure de Montpellier se détache des projets rencontrés jusqu’ici. Leur objectif est de créer sur 3000 m2 une forêt comestible, c’est-à-dire un espace de culture basé sur le modèle d’une forêt naturelle. Ainsi, on peut obtenir sur une petite surface une production condensée d’aliments diversifiés ainsi qu’une source de matière organique pour de multiples usages. L’idée est de faire évoluer sur différentes strates une grande diversité  d’arbres et de plantes.

les 7 strates d’une forêt comestible (source : permatheque.fr)

Une Guilde de plantes pour les 3 premières strates

 

Le projet ayant été  lancé en 2018, nous avons assisté aux prémices de son développement. En effet, ce type de projet s’inscrit nécessairement dans une dynamique de long terme et il faudra attendre au moins une dizaine d’années avant d’observer une forêt comestible productive. A la clairière de la forêt, 1800 m2 sont utilisés comme zone de maraîchage pour les adhérents de l’association. Deux mares permettent d’enrichir la biodiversité, et un poulailler de diversifier la production.

La technique d’irrigation utilisée est à noter. L’eau d’une nappe phréatique à 2 mètres de profondeur est pompée en continu puis stockée dans des citernes en hauteur. Ainsi, une pression et un débit constants et suffisants sont assurés. La pompe est alimentée grâce à des panneaux solaires fonctionnant sans batterie. Ce système, innovant, s’inscrit dans une volonté de réduire au maximum l’utilisation d’électronique à fort impact environnemental. Il est intéressant de noter que ce type d’initiatives individuelles et innovantes, est aussi adapté à un contexte particulier.

Un système d’irrigation comprenant des citernes sur la serre

 

Le prix d’adhésion à l’association est libre et chaque adhérent peut s’investir selon son bon vouloir. Ils bénéficient ainsi des fruits de leur récolte sur leur parcelle maraîchère, et d’un lieu d’échanges et de partage.

Montpellier présente plusieurs facettes de l’agriculture urbaine. En premier lieu, nous avons constaté une agriculture urbaine productive avec des fermes telles que La Condamine. Ensuite, de la pédagogie a été observée à tous les niveaux, et ce, souvent au-delà de l’agriculture urbaine. Il s’agissait souvent d’un éveil à l’écologie sous de multiples aspects, la permaculture n’en étant qu’une partie. Enfin, c’est un réseau de multiples acteurs mutualisant leurs savoirs et compétences déjà bien implanté qui opère à Montpellier. Les collectivités locales, notamment les municipalités, ont un rôle décisif à jouer dans le soutien de l’agriculture en ville. A eux d’épauler un maximum ces réseaux afin de voir naître de plus en plus de projets de grande envergure.