8 août 2020

Marseille

Arrivée sur Marseille

Ca y est, nous partons de Montpellier, direction Marseille !  Nous avons pris notre temps sur la route : une étape pour visiter Arles, des balades en Camargue… Et c’est après une dernière côte éprouvante que nous entrevoyons le plus vieux port de France. Plus que quelques kilomètres à travers la grande métropole avant d’arriver chez notre hôte, un ami de Théophile ! Nous sommes bien reçus, à grand détour de Mauresque (Pastis et Sirop et d’Orgeat). Au premier abord, Marseille nous apparaît vaste, construite sur un site magnifique, mais faisant face à une gestion des déchets ayant de nombreuses lacunes. Oui mais, on est censé vous parler d’agriculture urbaine non ? Patience, ça commence maintenant.

Un coucher de soleil en Camargue

La Métropole marseillaise a engagé un plan d’action en faveur de l’agriculture urbaine, s’inscrivant dans le Projet Métropolitain de l’Agenda Environnemental adopté en juin 2018 et le Projet alimentaire territorial engagé. En effet, 120 ha de terres agricoles sont non valorisés et pourraient permettre de relocaliser des productions et d’initier à une alimentation saine et durable. Aujourd’hui, plus de 40 ha de terres ont été mis ou remis en culture, plus de 20 exploitations agricoles professionnelles ont été installées ou financées et 2,1 millions d’euros ont été dédiés à l’agriculture urbaine en 2020. Parmi les acteurs principaux se démarquant dans la Métropole, nous avons rencontré La Cité de l’Agriculture.

La Cité de L’Agriculture : l’institution marseillaise polymorphe de l’agriculture urbaine

La Cité de l’Agriculture est une association créée en 2015 qui recherche, développe et fédère des initiatives autour de l’agriculture et de l’alimentation durables. La Cité de l’Agriculture conjugue expérimentations et expertise autour d’un nouveau modèle sociétal et économique pour le mettre à disposition du plus grand nombre, via de multiples leviers d’action.

La vision de la Cité de l’Agriculture (source : Cité de l’Agriculture)

Pour commencer, nous pouvons citer le projet de micro-ferme urbaine de 7500 m2 dans le 15ème arrondissement de Marseille. Cette ferme expérimentale se présente comme un futur modèle multifonctionnel de micro-ferme urbaine. Elle se compose d’un verger cultivé en agroforesterie, de buttes de culture, d’une haie vive dépolluante et anti-bruit, d’une pépinière, ainsi que d’un espace de compostage. La démarche globale vise à renforcer la résilience d’un terrain agricole urbain (notamment face aux changements climatiques) tout en ayant des impacts sociaux, économiques et environnementaux. Une multiplicité d’acteurs sont impliqués, des habitants du quartier aux professionnels de la recherche. Une fois expérimenté, le projet sera modélisé, afin de pouvoir se dupliquer et s’essaimer à différentes échelles.

Ensuite, l’association cherche à réduire la fracture alimentaire dans certains quartiers marseillais avec notamment l’expérimentation récente d’un système de paniers solidaires. Lors de la distribution des paniers, aucune différenciation n’est faite entre les paniers solidaires et les autres ; ce qui garantit aux personnes bénéficiant des paniers solidaires de rester dans l’anonymat.

Nous avons eu la chance d’être accueillis par Louis, travaillant à l’association, à déjeuner à La Cantine, le restaurant de La Cité de l’Agriculture. En s’approvisionnant auprès de producteurs locaux, l’objectif est de proposer une carte changeant régulièrement (en adéquation avec les saisons), bon marché, et de qualité. Le but est de reconnecter les clients avec les producteurs, le local, les saisons, voire même d’initier à la permaculture.

La Cantine de la Cité de l’Agriculture

L’aïoli de la Cantine

A l’occasion de ce déjeuner, Louis nous également parlé de Terres de Mars, le premier maraîcher urbain Bio de la ville. Leur concept : produire, de la graine à l’assiette. Ils exploitent une ferme de 2ha dans le 14ème arrondissement puis proposent un service traiteur (après transformation) pour des particuliers et des entreprises. Débordés depuis la sortie du confinement, ils n’ont malheureusement pas trouvé le temps de nous rencontrer.

La Cité de l’Agriculture est aussi le plus important réseau d’agriculture urbaine de la ville, cherchant à mutualiser les différentes initiatives. Elle accompagne différents projets avec la volonté de fédérer et d’animer ce réseau, de veiller à la complémentarité des projets et de faire émerger des initiatives communes. En 2020, L’association envoie notamment une newsletter mensuelle, organise des réunions d’information et de réflexion sur différents enjeux comme l’accès au foncier ou la mutualisation, et organise des sessions de formation thématique entre membres du réseau. C’est d’ailleurs grâce à Louis que nous avons pu avoir accès à d’autres contacts à Marseille, notamment à ceux de deux jardins partagés aux contextes particuliers, les jardins de la Cité Radieuse et de Luminy.

– Jardin de la Cité Radieuse : une communauté à l’image du projet initial de Le Corbusier

Au sein de l’emblématique bâtiment marseillais conçu par Le Corbusier en 1947, nous avons visité Le Jardin Partagé destiné à ses habitants. La Cité Radieuse a initialement été pensée afin de concrétiser une nouvelle forme de cité, un « village vertical », comprenant non seulement des « unités d’habitation » fonctionnelles mais aussi des commerces et autres services nécessaires à la vie des habitants. Cette communauté s’organise en une association des habitants, elle-même finançant des projets d’habitants de la résidence. Parmi ces projets, a été créé il y a une petite dizaine d’année, un jardin partagé. Il est géré par une trentaine d’adhérents pouvant y avoir accès et y cultiver une parcelle individuelle.

Jardin partagé de la Cité Radieuse

En parallèle, un système de compost a été mis en place par l’association afin de gérer les déchets ménagers de la résidence et une partie des déchets verts du parc de La Cité Radieuse. Chacun est libre de venir déposer ses déchets ou de récupérer du compost pour son usage personnel, même si la quasi-totalité est utilisée au jardin comme amendement.

Ce jardin, à l’image de nombreux jardins partagés, est avant tout un lieu de rencontres et de partage, plutôt que de production. Il s’inscrit dans l’héritage idéologique de l’œuvre de Le Corbusier.

– Jardin de Luminy : Un jardin partagé à la gouvernance complexe

Nous nous sommes rendus dans un autre jardin partagé à Marseille, au contexte complètement différent. Au sein de l’Université de Luminy, à deux pas des Calanques, étudiants, professeurs et personnel de l’Université, se sont organisés il y a maintenant 6 ans afin de mettre en place un jardin partagé.

Jardin de Luminy

A cette époque, il a été très difficile pour eux d’arriver à leurs fins, tant l’administration et le Crous de l’Université s’opposaient à leur projet, probablement de peur de n’avoir aucun contrôle sur cet espace de rencontres. Un jardin clandestin a donc été mis en place et pour y parer, l’administration de l’Université a finalement concédé un terrain, à priori impropre à la pratique du maraîchage (une ancienne réserve d’eau comblée avec de la terre de chantier) afin d’y installer un jardin. Ce terrain a été en vérité une opportunité d’apprendre, de se former pour le collectif d’étudiants jardinant sur place. Il y avait nécessité de reconstruire le sol et de rapporter de la matière organique. Ils ont ainsi travaillé dans des conditions difficiles pour des étudiants peu avertis sur le sujet, et ont donc beaucoup progressé.

En revanche, s’ils se sont formés techniquement, les jardiniers ont rencontré des difficultés dans leur gouvernance. Une volonté intrinsèque démocratique, a débouché sur une anarchie, dans laquelle le pouvoir de décision n’est pas proportionnel à l’investissement dans le jardin. Des membres peu présents au jardin ont manifesté une forte volonté décisionnelle, mal perçue par les jardiniers s’investissant le plus. Un manque de planification dans la gestion du jardin et d’attribution des tâches, a aussi freiné son développement.

Malgré tout, le jardin vit toujours, et une nouvelle génération a pris la main. Ce turnover élevé des étudiants, a du positif : une nouvelle vision du jardin peut naître et les anciennes querelles disparaître !

A Marseille, tout le monde n’a pas la chance d’avoir accès un jardin partagé et si ce n’est pas le cas, certains peuvent tenter de louer un bac potager à Le Talus ! Mais la liste d’attente est longue…

– Le Talus : une exploitation multifonctionnelle, productive mais au service de ses adhérents

Logo du Talus

Le Talus est une ferme associative s’inscrivant dans une dynamique de transition écologique. Sur 3500 m2, lieu d’une ancienne décharge de chantier, du maraichage est pratiqué sur « sol vivant ». Les particularités de cette technique sont notamment de réduire au maximum le travail du sol et de le couvrir avec des engrais verts et des couverts végétaux. L’objectif est de reconstituer le cycle naturel de fertilité́ des sols. Le résultat est bluffant : en seulement deux ans, on peut aujourd’hui observer un jardin luxuriant cultivé par l’équipe Le Talus avec tout le panel des légumes du maraicher.

Vue d’ensemble du Talus

De plus, pour un euro la semaine, les adhérents peuvent bénéficier d’un des bacs potagers entourant le jardin, s’accompagnant des conseils de l’association, de compost, de paillage, d’outils, de l’irrigation ainsi que de semences et plants en vente sur place.

Bacs potagers individuels 

On retrouve un point de vente direct sur le jardin, ainsi qu’une buvette et une cantine réservées aux adhérents. Des chantiers participatifs sont organisés une fois par semaine avec tous les adhérents souhaitant y participer et l’équipe Le Talus. De plus, cette dernière organise de nombreuses formations, pour des particuliers souhaitant se former à la permaculture, mais aussi des visites de groupes, plus particulièrement pour les écoles. Des jeunes en réinsertion peuvent aussi avoir l’opportunité de travailler sur la ferme, et de se former aux métiers du maraîchage.

Espace détente au Talus

Le Talus est un projet aux multiples facettes, pensant la transition écologique sous l’angle de l’agroécologie. Il s’agit d’un projet du même ordre que l’Oasis Citadine de Montpellier, décrite dans notre article précédent. Le volet commercial nous a semblé ici plus développé, et la possibilité d’implication des adhérents plus limitée. Il s’agit d’un des projets d’agriculture urbaine les plus importants de Marseille.

Certains font le choix de se déplacer pour cultiver, d’autres préfèrent faire venir l’agriculture urbaine à eux, même lorsqu’ils ont peu d’espace. C’est de ce constat qu’est parti Agrove pour développer sa jardinière connectée.

Aujourd’hui on ne parle plus de la ville de Marseille, mais de la Métropole Aix-Marseille… Afin de rencontrer Agrove, nous nous sommes donc rendus à Aix. En voiture (prêtée par notre hôte marseillais), seule utilisation du voyage. Quelle erreur ! 1h30 coincés dans les bouchons dans la petite bourgade de Calas… Comme quoi, on ne peut faire confiance qu’à nos vélos, et sommes confortés dans l’idée que le vélo est souvent bien plus adapté !

– Agrove : prôner un High Tech raisonné

Agrove nous a été présentée par Quentin, ingénieur Polytech et fils d’agriculteur, fondateur de la Start-up. Celle-ci propose de coupler des capteurs environnementaux à l’informatique pour épauler des jardiniers urbains. En ce sens, Agrove conçoit et produit des jardinières connectées ou des kits de capteurs à installer directement sur des jardinières existantes. Le prototype qui nous a été présenté est constitué de 5 jardinières alignées verticalement et conçues avec un matériau français écoresponsable. On y retrouve différents capteurs (ensoleillement, humidité, température etc.) alimentés par un panneau solaire, relevant les données nécessaires au bon fonctionnement de l’application.

Le prototype de jardinières connectées

Les données sont ensuite mises en commun et exploitées par l’application à disposition des utilisateurs. D’autres données sont aussi récoltées et agrégées en groupes géolocalisés afin de caractériser des microclimats et de déterminer les conseils adaptés aux climats similaires. Elles sont croisées avec les variétés cultivées dans les jardinières afin d’aiguiller au mieux l’utilisateur dans la conduite de sa culture. Il peut choisir de gérer lui-même son irrigation voire de l’automatiser à l’aide d’une intelligence artificielle. Grâce à des tutoriels ciblés et des vidéos pédagogiques, conseillant par exemple des propositions d’associations et de rotations des cultures, l’application permet de garder un potager productif.

Les fonctionnalités de l’application (source : Agrove)

Agrove cherche aussi à créer une véritable communauté d’utilisateurs autour de l’application. Elle veut mettre en lien les différents jardiniers, pouvant partager leurs connaissances et expériences, leurs idées, et offrir la possibilité d’avoir un véritable retour utilisateur.

Au départ orientée B to C, la Start-up fait maintenant du B to B. Elle effectue aujourd’hui plusieurs POC (Proof of Concept) plus que prometteurs. Citons Céline Picot, premier membre d’Agrove avec qui nous avons été en contact :

« Nous avons lancé la phase pilote avec des entreprises de la région Sud [Aéroport Marseille-Provence, gare SNCF d’Aix, société Parlym Ndlr] Nous nous sommes concentrés sur le marché B to B avec eux, ce qui nous permet de tester les premiers kits et d’avoir un retour sur l’amélioration des produits. La partie campagne permettra de toucher un nouveau public, celui que nous ciblons, à savoir les particuliers. Et les premiers tests de l’application devraient être lancés avec eux. »

Avec Quentin, fondateur de la start-up

En les personnes de Quentin, Céline et Elsa, nous avons rencontré 3 personnes passionnées porteuses d’un projet innovant. Affaire à suivre !

A Marseille, nous avons observé une grande diversité de projets au sein et autour d’une ville intégrant progressivement des politiques plus durables. De par sa superficie importante, la ville bénéficie d’un fort potentiel. Certains quartiers marseillais peuvent s’apparenter à des déserts alimentaires en termes d’accès à des produits frais et locaux. Y développer une agriculture urbaine sociale et solidaire peut même être considérée comme une urgence, problématique chère à La Cité de l’Agriculture.

Par ailleurs, nous avons observé du High Tech au service du Low Tech avec Agrove, la ligne séparant les deux s’estompant quelque peu, et indication que toute solution doit être pensée comme globale, en regroupant le plus de disciplines possibles.

La diversité des paysages urbain et social marseillais ouvre la porte au développement d’une multitude de modes d’agriculture urbaine. Ce potentiel important pourrait faire de Marseille une des vitrines de l’agriculture urbaine française.

Maintenant départ pour Nice, à l’attaque de le French Riviera. A commencer par les Calanques !

Vue du Cap Canaille sur la route pour Nice

 

Sites internet et réseaux sociaux :

 

– La Cité de l’Agriculture

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  • A l’écoute de candidatures spontanées

– Le Talus

https://www.letalus.com/

https://www.instagram.com/letalusmarseille/

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– Agrove

https://agrove.fr/

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